Souvenirs d'enfance IV
La maison de mon enfance n’était pas très grande… Un couloir avec les escaliers pour aller en haut, la porte de la cave à gauche, celle de la cuisine aussi, à droite celle de la pièce qui servait de bureau, salon, salle à manger, salle de jeux et infirmerie quand la rougeole et les oreillons nous ont obligés à rester au chaud…
A l’étage, il y avait seulement deux chambres, celle de mes parents et la nôtre. Mon frère dormait dans un lit simple, ma sœur et moi partagions un vieux lit double en chêne, plus haut et plus étroit que ceux que nous connaissons aujourd’hui…
En hiver, les briques chauffaient dans le four de la cuisinière, elles servaient de bouillottes le soir, à l’heure du coucher… Les fenêtres n’avaient pas de double vitrage et le matin, je m’amusais à faire fondre le givre en soufflant dessus, ça me permettait d’apercevoir la couche de neige qui était tombée la nuit… Je n’ai jamais eu froid. La couverture était une « courtepointe » fabriquée par maman, avec de la laine de mouton lavée et rincée au ruisseau, peignée et « plusée » (mot patois qui veut dire que tous les nœuds étaient défaits à la main pour rendre cette laine très légère) recouverte d’un tissu en satin bordeaux et cousue de manière artistique… Sur nos pieds, nous profitions en plus d’un gros duvet en plumes (également fabriqué à la maison). La chambre de papa et maman était froide et humide. Il y avait même du givre qui se formait au plafond… L’eau de la cruche gelait… Quand le dégel arrivait, ils devaient tendre un grand plastique sur le lit… Des gouttes d’eau tombaient du plafond… Je comprends maintenant, pourquoi, nous avons changé de logement…
Au printemps, c’était le grand nettoyage. Les papiers peints n’ayant pas résisté à cette humidité étaient moisis, ils se décollaient… Chaque année, mes parents retapissaient toutes les pièces de la maison… Il y avait une bordure de chaque côté du papier peint. Maman en découpait une et nous nous amusions à faire des « chandelles » de papier avec ce ruban inutile à la décoration des murs.
A l’étable, la vache trépignait d’impatience en attendant que l’herbe du pré reverdisse… En mai, les « blanchisseurs » passaient avec leur petite remorque équipée d’une pompe à chaux pour le nettoyage et la désinfection des murs de l’étable qui nous servait aussi de remise… Ils arrivaient chaque fois sans prévenir. C’était la course pour enlever et sortir tout ce qui ne devait pas être blanchi… Nos vélos, le vélomoteur de papa… La machine à laver (une espèce de grand tonneau en bois), le « coupe-racines » (pour les betteraves) et la « turbine » (écrémeuse) étaient recouvertes d’une bâche… Cette odeur de chaux prenait au nez, mais je trouvais que ça sentait le frais, le propre, l’arrivée proche de l’été…