Souvenirs d'enfance II
15 novembre fête du roi…
Notre premier ministre Yves Leterme dit que nous avons un bon roi… (vu sa fonction, il n’aurait pas pu dire autrement…) C’est que, la monarchie a de moins en moins de pouvoir…
Dans tous les coins de la Belgique,… euh de la Wallonie…, peut-être rien qu’en Ardennes…, des drapeaux belges aux trois couleurs nationales sont exhibés… et dans les églises le « Te deum » est chanté suivi de la Brabançonne… avec son « invincible unité »… Qu’est-ce que ça signifie encore aujourd’hui ?
Je me souviens surtout du 11 novembre. La guerre était finie depuis une dizaine d’années. A l’école, nous avions appris un chant « Martyrs morts au champ d’honneur, au ciel rangez-les Seigneur, donnez à leur âme immortelle, le repos éternel. Dans la nuit, bannissant l’effroi, a bondi le soldat du roi, qu’appelait la patrie… » Toute petite (3-4 ans ?) Je ne comprenais absolument pas ces paroles d’un autre siècle… Enfants d’un ancien prisonnier de guerre (papa est resté cinq ans en « captivité » à la frontière polonaise, dans le stalag 17B (avec une majorité de soldats français) puis dans une ferme en Autriche), nous étions rassemblés au pied du monument du souvenir. Nous étions fières ma sœur et moi d’être placées au premier rang… Aux premières notes de la Brabançonne, nous nous tenions immobiles, raides comme des piquets… Mon frère avait l’honneur de déclamer une poésie… pratiquement tout le village était là, pourtant, un grand silence régnait…
Pour moi, la guerre datait de la préhistoire… Or, dans le grenier de la maison, maman continuait à stocker des kilos de sucre, de café, de farine… Les pulls devenus trop petits étaient détricotés, la laine lavée prête à resservir une deuxième fois. Maman cousait aussi beaucoup… mais les tissus étaient rares… Un manteau ou une robe à elle, étaient transformés en jupes pour ma sœur et moi. On ne jetait rien… pas même une petite croute de pain. Papa nous disait « vous ne savez pas ce que c’est d’avoir faim ! On ne gaspille pas la nourriture ! »
Mes deux grands-mères sont mortes en 1941. La maman de papa n’a pas supporté de rester sans nouvelles de ses cinq fils (seul l’ainé et le cadet n’ont pas été prisonniers…) et ma grand-mère maternelle n’a pas survécu à la mort de son fils de dix-huit ans, de son petit-fils de quatre ans et d’un neveu de vingt ans (mort au champ d’honneur)… Elles avaient 61 et 59 ans. Je ne les ai pas connues !
Maintenant, la Brabançonne m’émeut toujours… Jouée aux enterrements de mes oncles… et de papa, elle résonne en moi comme un requiem…
Depuis longtemps, les néerlandophones n’en connaissent plus les paroles… ils ont appris l’hymne des Flandres… Alors pourquoi encore chanter ces mots qui ne veulent plus rien dire ?