Saint Sylvestre
« Le matin du 31 décembre, celui qui se lève le dernier est appelé Sylvestre… »
Enfant, j’ai toujours pris cela comme une insulte… alors, dès le réveil, je descendais assez tôt pour devancer mon frère et ma sœur…
Le dernier jour de l’année se déroulait comme les autres. Maman quant à elle, avait davantage de travail. Un tricot ou une robe à terminer pour nous, repasser les vêtements du dimanche… Nous portions toujours un tablier (le nouveau pour aller à l’école et pour les jours de fête, le plus ancien pour rester à la maison…) Les copines enviaient les nôtres, confectionnés par maman, dans de beaux tissus, avec un petit « volant » (bande de tissu froncée) sur les épaules, et un liseré de couleur vive qui égayait le tout… alors qu’elles portaient des cache-poussière gris…
Le jour du nouvel an, nous étions tirés à quatre épingles… il fallait être beau pour « retourner » dans la famille. De grand matin, nous partions jusqu’au « point d’arrêt » du train. En chemin, chaque personne que nous rencontrions était gratifiée d’un « Bonne année ! »… Les plus âgés répondaient toujours « merci ! Mais surtout une bonne santé ! »… Ca faisait sourire les enfants insouciants que nous étions…
Nous débutions la « tournée » chez la sœur de maman… Une petite « goutte » pour bien commencer l’année (nous, c’était de l’eau pétillante… le grand luxe !) et puis nous passions à table…
Pour le gouter, c’était dans la maison paternelle (immense, avec un hall d’entrée carrelé de dalles de marbre noir, des cimaises en chêne, une montée d’escaliers larges de presque deux mètres), tout le monde (papa avait neuf frères et sœurs et trente-trois neveux et nièces) se retrouvait dans la « salle » au parquet ciré (nom donné à la grande pièce qui servait à recevoir) où mon oncle brûlait des piquets de clôture dans la grande cheminée. Les tasses pour le café et les verres à liqueur attendaient sur des plateaux… Les enfants buvaient de la bière de table ou du chocolat chaud… Les tartes au sucre et aux œufs étaient aussi très grandes, au moins quarante centimètres de diamètre… Pendant que les adultes discutaient, nous jouions aux cartes avec les cousins, ou à la poupée avec les cousines, ou dehors quand il y avait de la neige…
Le lendemain, les bouteilles d’alcool et les grosses gaufres à la pâte levée restaient sur la table toute la journée… c’était le jour des voisins… papa et maman qui n’appréciaient pas les boissons alcoolisées ne vidaient pas leur verre… ou alors, en cachette, dans un pot de fleur…
Nous allions encore chez monsieur le Curé, chez l’instituteur (qui possédait un WC à chasse d’eau), chez l’institutrice… Ils nous offraient une image pieuse à mettre dans notre missel…