Marchands ambulants
« La pensée vole et les mots vont à pied… Voilà le drame de l’écrivain… » Julien Green
Heureusement,… je ne suis pas encore écrivain… (Kiki a écrit cette pensée qui me plait sur son blog aujourd’hui…)
En me promenant chez Jeanne hier soir, j’ai repensé à mon enfance…
Dans mon tout petit village, les rues étaient encore empierrées (pas de tarmac)… Notre maison était construite dans une côte… et quand la neige tombait (ce qui était très fréquent), nous sortions la luge et la route devenait une grande piste… je me souviens d’hivers, où la couche de poudre blanche atteignait le bord de la fenêtre ; pour pouvoir quitter la maison, papa, muni d’une pelle, mettait des heures pour déblayer le passage… les murs de neige étaient très hauts… Nous étions chaque fois déçus quand les chevaux de trait ardennais passaient… Ils tiraient derrière eux un immense V en bois… le chasse-neige… La route brillait de neige tassée, mais elle était praticable… alors, les voitures pouvaient rouler… Avec sa camionnette équipée de chaines, le boulanger (surnommé « aur’voirmerci ») apportait le pain (et une tarte et des « pistolets » le samedi…) Le boucher (qui entrait toujours sans frapper) nous a surprises un jour ma sœur et moi, dans la cuisine, occupées à prendre un bain dans une grande bassine en zinc (nous n’avions pas encore l’eau « au robinet »…) A l’aide de seaux, papa et maman allaient la chercher dans un bac qui servait aussi d’abreuvoir aux vaches et aux chevaux…
Pour la lessive, (le lundi) c’était très dur pour les ménagères… Un énorme et lourd récipient rempli d’eau chauffait sur la cuisinière à bois… Pour le rinçage, maman allait au ruisseau avec une brouette pour les draps…(papa aidait toujours parce que c’était lourd !) Les autres linges étaient rincés dans des grandes cuvelles sur le trottoir… Je me souviens des mains de maman, bleuies par l’eau glacée…
Le vendredi, c’était le jour du marchand de poissons… Maman achetait de la sole pour nous… Et pour elle, un « sauret » (hareng séché salé), elle l’enveloppait dans un morceau de papier "gris" et le déposait sur les braises du poêle… le papier flambait, le hareng était prêt à être dégusté…
Un marchand de légumes venait aussi chaque semaine… mais nous avions un grand jardin potager… et des réserves de bocaux stérilisés pour les repas d’hiver… Nous lui achetions uniquement des fruits (bananes et oranges), rarement, quelques choux de Bruxelles ou des « chicons »…
Nous avions l’électricité, mais il servait seulement pour l’éclairage (quelques ampoules) et pour la TSF… A cette époque, nous n’avions
-ni percolateur (une cruche avec un « ramponneau » -une espèce de chaussette dans laquelle on plaçait les grains de café grillés sur le poêle et moulus au moulin à manivelle- et une bouilloire qui sifflait quand l’eau était prête à être versée sur le café)
-ni mixe soupe (mais bien un passe vite… on y revient !)
-ni télévision… J’avais six ans quand la première est entrée dans le village… La salle à manger des acquéreurs a été transformée en cinéma… nous étions au moins vingt-cinq pour regarder « en direct » un mariage princier…
J’avais plus de quinze ans…
-quand maman a accepté d’échanger sa vieille lessiveuse et son essoreuse (qui lavait beaucoup mieux que ces nouvelles inventions !! J) contre une lessiveuse automatique…
-quand mes parents ont acheté leur première télé en noir et blanc… avant, ils estimaient que le petit écran ne nous convenait pas, ils préféraient nous voir lire ou jouer à des jeux de société… et ils avaient raison !